Sunday, September 4, 2005

La Nouvelle Orléans et Nous les Haïtiens

Ces derniers jours, des articles traitant les effets dévastateurs de l’ouragan qui s ‘est abattu sur la  région sud des Etats-Unis, en particulier la Nouvelle Orléans,  n’ont pas hésité à évoquer le nom d’Haïti pour essayer de faire comprendre aux lecteurs comment cette ville de cette hyperpuissance du monde – en l’occurrence les Etats-Unis – est vite passée à un stade ou l’on retrouve les relents de la misère haïtienne :

Utilisant une figure de pensée, l’antiphrase, pour exprimer ses idées et fustiger les officiels américains pour leur lenteur à porter secours aux victimes, l’auteur d’un article intitulé « L’Amérique 2005, après l’inondation » écrit :  Ce n’était pas Haïti, avec ses politiques sans recours et sa pauvreté sub-Dickensien… »

D’autres articles ont été très directs, mentionnant le nom de notre pays sans hésitation . Le journal mexicain Ovacionos, présentant la ville délabrée de la Nouvelle Orléans écrit en manchette :  « Comme Haïti. ».  Le Boston Globe, de son côté, nous dit pour décrire aux lecteurs la vision infernale existant après l’ouragan dans cette ville américaine : " Faites la comparaison, la Nouvelle Orléans  ressemble [maintenant] tout simplement à Haïti."

 

Le nom d’Haïti est donc utilisé  dans un contexte oú l’on veut exprimer la misère humaine avec tout ce qu’elle charrie : conditions infrahumaines, violence, désorganisation, manque de cohésion, manque d’éducation.  Que nous ayons été épargnés par l’ouragan Katrina,  ça  ne veut rien dire, paraît-il,  car Haïti est placée, grâce aux médias,  au beau milieu de ce « mess » qui, pourtant,  est la conséquence directe d’une administration américaine qui a abandonné sa mission de servir son peuple – surtout les secteurs défavorisés - au profit d’un militarisme aventuriste à travers le monde.

Pourtant nous les Haïtiens devrions être fiers de l’héritage culturel que nous avons légué à la Nouvelle Orléans, réputé pour son exotisme,  ses saveurs caribéennes tant au point de vue culinaire que musical ou artistique.

 

La Nouvelle Orléans est la seule ville des Etats-Unis oú nous les Haïtiens pouvons retrouver la cuisine créole,  proche de ce que nous consommons dans notre pays : sauce pwa, du riz colle ak pwa, bon legum gumbo, konsomme, pwason frit preske jan nou prepare l la kay nou, sans compter les flaveurs des épices tropicales dont nous sommes en général si friands.  Le café au lait y existait bien avant que  « Seattle steamed its first latté or Starbucks roasted its first bean.”

 

Personnellement j’ai eu l’occasion de déguster ces mets et ces breuvages considérés comme exotiques mais délicieux par le touriste non averti.

 

Nous les Haïtiens faisons partie intégrante de l’histoire de la  Nouvelle Orléans, tout comme les Français. Nombre d’Haïtiens ou Haïtienne émigrèrent vers la Louisiane et plus particulièrement à la Nouvelle Orléans  entre les années 1791 et 1804 ou dans les années qui suivirent l’indépendance d’Haïti.  Durant une guerre pour sauver la ville des Anglais, le pirate Jean Lafitte avec sa milice composée  d’anciens esclaves haïtiens livrèrent bataille le 8 janvier 1815 aux côtés des hommes du général Andrew Jackson  à Chalmette, à une courte distance du Vieux Carré ( maintenant French Quarter) contre 8000 soldats de carrière anglais, leur infligeant près de 2000 pertes alors que le nombre avait été de huit tués du côté des américains. 

 

Des arrière-petits-enfants de ces émigrés haïtiens vivaient toujours à la Nouvelle Orléans quand l’ouragan Katrina a frappé la ville la semaine dernière. Nombre d’entreeux sont maintenant parmi les victimes.

 

Je parie que cette histoire que je rapporte ici  n’a été contée que très rarement aux milliers de touristes ayant visité la ville avant le désastre.

 

Maintenant que cette ville a été détruite à cause de la négligence des officiels du gouvernement fédéral, on veut  la comparer avec Haïti ( ils savaient que les digues qui protègent la ville ne feraient pas le poids contre un ouragan de la classe Katrina ).

On parle déjà de reconstruire la ville.  Mais je sais que tout va être fait consciemment ou inconsciemment  pour effacer ce riche héritage légué par d’autres, y compris Haïtiens, depuis la fondation de la Nouvelle Orléans.

 

Ne serait-ce pas bien si l’on avait un gouvernement haïtien capable, durant la phase de reconstruction, d’user de son influence en vue de sauvegarder cet héritage légué par nos ancêtres à une ville américaine,  tout comme les Français se mettent déjà en quatre (ces derniers voulaient envoyer des troupes françaises) pour sauver ce qui reste du Vieux Carré ou French Quarter ?  Suis-je en train de rêver ? (Pincez-moi pour que je me réveille!)

 

En attendant je vous prierais d'envoyer votre donation à American Red Cross pour le sauvetage des victimes dont nombreux sont originellement d'Haïti  en cliquant sur American Red Cross çi-devant.  Sinon, certaines d'entre elles abandonneront à jamais la ville, emportant avec elles et leurs enfants tout ce qu'elles avaient "d'haitien" dans d'autres villes américaines qui ne ressemblent goutte à la Nouvelle Orléans bien-aimée.

 

Related Link About the Fear for the Future of Creole Culture in News Orleans

Other Related Link: Loosing New Orleans

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